Editorial

"Chemins d'exil..."

Le festival 2010, succédant rapidement à l’édition 2009 de par le déplacement du festival au printemps, nous avons souhaité renouveler l’approche thématique et la construction de la programmation. Ainsi, le festival ne se cantonnera pas cette année à une zone géographique délimitée, mais voyagera sur les chemins européens, au gré des déplacements que la vie a imposée aux musiciens de l’époque…

 

« Chemins d’exil »

 

Les contemporains que nous sommes ont peine à imaginer la richesse des voyages effectués par les musiciens des XVIIe et XVIIIe siècles : nous avons tendance à les imaginer sédentaires et provinciaux, là où ils se révèlent souvent mobiles et curieux du monde qui les entoure. Par choix ou par contrainte, ils voyagent et enrichissent leur art musical des rencontres que la providence a mises sur leur chemin.

 

Le Hainaut, région frontalière, a vu naître ou passer sur ses terres de grands musiciens : pépinière de maîtrises, elle a essaimé des maîtres de chapelle et des chantres à travers toute l’Europe renaissante ; terre de refuge, elle a accueilli nombre de musiciens anglais en fuite de leur terre natale pour rester fidèles « à la foy » ou d’autres nations fuyant la guerre ; mécène des arts, elle a envoyé à Paris et dans les grandes cours européennes les meilleurs de ces instrumentistes. Tous, ont donc emprunté des « chemins d’exil » pour vivre leur art, pour nourrir ou développé leur art, pour vivre « de » leur art.

 

Par ailleurs, le chemin est parfois long et sinueux qui façonne l’homme en musicien : maîtriser l’art subtil de la musique et de la composition demande un apprentissage acharné et un travail méticuleux. Mais c’est un exil musical fructueux : « J’ai beaucoup travaillé. Quiconque s’appliquera autant pourra faire ce que je fais » témoigne Jean-Sébastien Bach.

 

Enfin, l’homme baroque est pleinement conscient qu’il vit sur terre en exil, cheminant intérieurement vers un autre monde : de la vie, par la mort, vers la Vie. La sémantique de « l’exil » est omniprésente dans la Bible et dans la mythologie, et par conséquent, innerve et irrigue presque tous les textes et musiques de cette période. L’art pictural et architectural baroque en joue aussi continuellement, usant des oxymores, des contrastes et des contraires, de toute la rhétorique des passions pour amener l’homme à ce questionnement existentiel qui le fait être lui-même (« Je pense donc je suis », Descartes, 1637).

 

Comme les années précédentes, la programmation éclectique développera de nombreuses activités croisées avec les autres arts, et un important travail de démocratisation auprès des publics et du territoire : concerts aux formes variées, clés d’écoute, visite guidée, film documentaire, master-class, répétition publique, spectacles et interventions scolaires, etc.

 

Et selon la formule de circonstance : "Embar(o)quement immédiat !"


Yannick Lemaire
directeur artistique