Aleksandra Brzóskowska en résidence recherche-création

[Figures féminines] Le violon dans les couvents féminins en Italie du Nord au XVIIe siècle. Une semaine de résidence et un concert au Phénix, scène nationale de Valenciennes. Juin-juillet 2021.

Cette semaine, avant de nous retrouver chaleureusement à la 15ème édition de notre festival baroque, la violoniste Aleksandra Brzóskowska est en résidence recherche-création à Valenciennes. Elle a réuni pour l'occasion les musiciens complices de son aventure : Miriam Trevisan, soprano, Félix Verry, violo, Lucas Alvarado, violone, Adrien Pièce, orgue & clavecin. Ce projet est soutenu par Harmonia Sacra à l'occasion d'un compagnonage artistique, scientifique et culturel. Le concert de fin de résidence est organisé avec Le phénix scène nationale Valenciennes pôle européen de création (Samedi 03 juillet, à 19h). Aleksandra nous parle du travail effectué sur cette musique à l'occasion de la résidence :

 

"Si le répertoire dans les couvents féminins en Italie au XVIIème siècle est un sujet relativement populaire de nos jours, en particulier à notre époque de questionnement de la problématique du droit des femmes, les approches ont été, d’une manière bien compréhensible, essentiellement orientées autour du répertoire vocal liturgique. La place et le rôle des instruments, en revanche, n’ont été abordés que bien plus rarement. Les informations disponibles ne laissent cependant aucun doute quant à leur importance, leur usage n’ayant vraisemblablement pas été limité à la seule fonction de basse continue destinée exclusivement à l’accompagnement du répertoire liturgique. Quantité de témoignages existent décrivant des religieuses excellant dans la pratique instrumentale, témoignages corroborés par un nombre significatif de pièces instrumentales de différents compositeurs dédiées à des soeurs, dont le niveau d’exigence technique est parfois très élevé. La maîtrise d’un instrument de musique pouvait assurer une place de choix dans la hiérarchie du couvent et la renommée d’une musicienne particulièrement talentueuse pouvait facilement dépasser l’enceinte de ses murs. Dans un contexte historique fragilisé par les nombreux conflits interreligieux et encore marqué par les décisions du Concile de Trente, on peut aisément deviner que la pratique de cette activité, qui pouvait apparaître comme une incursion du monde profane dans une structure strictement liturgique, ne suscitait pas un engouement généralisé de la part des autorités religieuses. L’usage des instruments fut, en effet, parfois vivement critiqué, voir menacé, même lorsque la présence d’instrumentistes de talent au sein d’un couvent pouvait participe grandement à sa renommée et consolider sa position de centre culturel majeur.

 

Notre programme, axé autour de la présence du violon au couvent, comprend deux types de pièces. À l’exception du recueil de motets d’Isabella Leonarda, dans lequel l’intégralité des pièces comprend deux parties de violons, la présence de cet instrument dans des recueils composés par des religieuses est rare mais relativement constante, la majorité des ouvrages de musique vocale sacrée comprenant presque toujours un petit nombre de pièces avec un ou deux violons. Les pièces instrumentales que nous présentons sont composées par des compositeurs masculins ayant été actifs dans l’entourage des couvents, encore une fois à l’exception de Leonarda qui, avec son recueil de sonates pour violons, signe la seule collection de musique exclusivement instrumentale de la main d’une religieuse. Cet échange entre des musiciens profanes (et masculins) et des religieuses n’est pas étonnant : ceux-ci pouvaient être engagés par le couvent pour dispenser des cours de musique aux moniales, toujours dans le cadre strict du parloir, leurs élèves restant derrière les fenêtres grillagées. Loin de l’image du parloir austère d’une prison, cette pièce faisait véritablement office de liaison entre les nonnes et le monde extérieur et participait à de nombreux échanges culturels, d’un côté comme de l’autre. Agostino Guerrieri dédie la première sonate « mélancolique » de son recueil de 1673 à une soeur d’un couvent génois, et la méthode de diminution de Francesco Rognoni, Selva de varii passaggi (1620), contient une diminution instrumentale sur la canzon La Portia d’Antonio Mortaro, dédiée à une nonne d’un couvent milanais. Les exigences techniques requises pour l’interprétation de ces différentes pièces prouve sans aucun doute le haut niveau musical dans les couvents féminins en Italie du Nord au XVIIème siècle."

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