[Causeries au Château] avec le théorbiste Justin Glaie, et ses sœurs !

Le vendredi 31 août à 17h, on nous annonce de « la poésie sonore », des airs pour voix et luth, une balade musicale sur les sentiers forestiers de l’Angleterre Élisabéthaine et du Royaume de France de Louis XIII par un ensemble un peu particulier « L’Angélique » ! En effet, pour la première fois, nous allons accueillir un petit frère « chouchouté » par ses deux grandes sœurs… On va respirer le bon air dans une ambiance délicieusement française and so british ce vendredi au Château de l’Hermitage !

 

Chères Alice et Axelle, cher Justin, vous allez jouer tous les trois au Château de l’Hermitage pour la première fois. Pourriez-vous chacun à votre tour nous présenter un lieu d’exception qui fait écho dans votre mémoire et dans lequel vous avez pris plaisir à jouer à un moment de votre carrière ?

 

Axelle : Dans une vie antérieure, j'ai joué dans un hangar maritime. Il y avait une flûte à vapeur, à manier avec des gants de chantier, des roues de vélos recouvertes de plectres qui jouaient sur une guitare géante. A la fin il y avait une cuve industrielle qui bouillonnait et explosait, pendant qu'on jouait de la musique répétitive. C'était très impressionnant. Plutôt prolétarien. Très rigolo.

 

Justin : C’est cliché, mais... Venise ! J’y ai passé quelques jours en touriste avant de jouer dans un palazzo. Difficile de ne pas se sentir transporté au XVIIème siècle en se promenant dans les ruelles et en se laissant envahir par l’ambiance si particulière de cet endroit. Encore mieux après 19h quand tous les touristes sont partis ! Mon seul regret : ne pas avoir été voir la tombe de Monteverdi...

 

Alice : Ce n’est pas très original, mais je crois bien que c’est le château de Versailles, pas tant pour ses dorures, ses miroirs et ses soieries, que pour tous les moments et les lieux dont seuls les employés, les techniciens et les artistes peuvent profiter quand les visiteurs sont partis. Le soleil plonge dans le grand canal, la nuit envahit les couloirs et la Chapelle, le froid givre les arbres et glace l’eau des réservoirs sur lesquels donnent les loges de l’opéra, et celles de la chapelle toute de tomettes et boiseries, si basses de plafond.

 

 

Comme on vous envie de « vivre au plus près » de tels lieux… avec la musique ! Mais quand vous quittez ces endroits magiques, vers quel « terroir » retournez-vous pour vous ressourcer ? Y a-t-il une vue d’une de vos fenêtres qui vous est chère ?

 

Axelle : Haute. Ouest. Lumineuse. Chambre. Végétale. Passante.

 

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Alice : Ma vue préférée n’est pas depuis une fenêtre, mais depuis ma porte d’entrée - qui tout compte fait n’est qu’une grande fenêtre qu’on n’aurait pas à enjamber- digne d’une haine de télé-réalité féline : sous une pluie de fleurs d’acacia, les chats de la résidence, Tancrède, Flocon et Pikroquette, font jouir d’un spectacle fascinant qui ravit petits et grands !

 

Justin : Ce n’est pas à proprement parler une fenêtre, mais depuis ma terrasse, j’ai une vue à 270° sur la commune de Saint-Gilles en Belgique! Au premier plan il y a la très belle prison de Saint-Gilles, qui n’a d’égal à sa beauté que la verve de ses occupants ; et la jolie place en face pleine de maisons de maîtres. Derrière les maisons, on peut voir le beau beffroi décoré de l’hôtel communal de Saint-Gilles, et puis Bruxelles en tout au fond...

 

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Admirez la belle lumière Belge...

 

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Mais comment « La famille Glaie » s’est-elle retrouvée dans la musique ? Un projet est-il à l’initiative de cette alchimie familiale ? Peut-on en connaître les arcanes ou cela doit-il rester secret jusqu’au concert à l’Hermitage ?

 

Justin : Je laisse la parole à mes chères sœurs, car elles sont à l’initiative de ce projet. Ma contribution s’est limitée à lancer des idées de répertoire à explorer pour Alice, en même temps que 63 volumes de Lute Songs et 24 volumes d’Air de Cour en fac simile à éplucher...

 

Axelle : Au départ de la balade, il y a mon mémoire de Lettres sur la poétique de la forêt. Non, au départ, il y a une tendance familiale aux jeux de mots douteux. Non, au départ, il y a des sorties dans des forêts de pins atlantiques. Des CRAPAS. Le plaisir d'entraîner la fratrie dans des déguisements, des jeux de rôles, des jeux drôles, des musiques approximatives, des jeux de mots littéraires. Bon, au départ il y a la musique. Enfin, c'est discutable. Comme l'œuf et la poule ! Ou la poule ou l'œuf. Ou …

 

Moi mon truc c'est la musique dans les mots, autrement dit la poésie sonore. Une forme très contemporaine d'écrits, qui s'appuient cependant sur des références littéraires ou culturelles anciennes et solides (il faut bien des racines …) C'est donc assez naturellement que le thème foisonnant de la forêt a fait se rencontrer cette pratique, et un répertoire tout aussi abondant dans l'époque investie par Alice et Justin. On a donc travaillé pour en faire émerger une esthétique singulière et homogène, entre deux univers artistiques apparemment très éloignés. Le spectacle se construit comme une balade en forêt, qui permet de parcourir des thèmes qui nous sont chers et de rencontrer des êtres et des univers étranges, facétieux, intrigants … Nous célébrons cet espace imaginaire, à notre manière !

 

 

Et bien faites-moi confiance Axelle, vous allez être gâtée au milieu des arbres magnifiques du parc du Château…

 

Alice : En tant que dix-septièmiste patentée, je profite de chaque occasion pour retourner dans ma « maison » musicale et arpenter ses passages et doublements de gosier. Cela me mène presque toujours, quand je choisis du répertoire, à des compositeurs-chanteurs incroyables et peu connus, de Sigismond d’India et Francesca Caccini à Jean-Baptiste Bousset, en passant par Lambert et Boësset. Cette fois, pour ce qui est de la musique, nous avons voulu mettre en regard les répertoires anglais et français du début du XVIIème, de Campion, Dowland, Pilkington, Ravenscroft, Planson, Bataille, Boesset et Bousset où les pièces pour voix et luth sont partie intégrante du paysage musical et où chacun pourra trouver des similitudes et des dissemblances. Nous avons construit ce programme autour du thème de la forêt, qui trouve un écho en chacun de nous. Axelle, lors de ses études, a arpenté tous les recoins des forêts des contes des frères (!) Grimm. Justin, grâce à ses talents de luthier, est fin connaisseur des essences de bois ; quant à moi, j’ai une envie irrépressible de planter tous les glands et châtaignes germés dont je croise la route. Mais ce programme est aussi l’occasion de s’émanciper d’une approche patrimoniale voire décorative de la musique ancienne, et de mettre en lumière son ancrage dans notre monde contemporain. Nous avons tous les trois été formés à la musique classique, à ses règles et ses techniques, nous avons lu les traités anciens, étudié le répertoire et l’iconographie … Mais malgré tout, et avec tous les indices que nous avons, il s’agit bien de s’approprier des répertoires, dont on ne saura jamais comment ils ont sonnés à leur création, et de les interpréter, tout pétris de notre culture contemporaine. En cela, le parallèle avec la langue française comme matériau séculaire et toujours changeant nous a semblé évident, et l’envie de tisser ces deux vieilles choses que sont la musique et la langue est devenue irrépressible !

 

 

Jouer en famille, … qu’est-ce qui vous rend heureux dans cette belle aventure ?

 

Axelle : On tente le super banco familial. Alice et Justin ont l'habitude de jouer ensemble, moi j'ai l'habitude de penser mes textes comme de la musique, je mets en application mon sombre passé de violoniste ainsi que mes expériences de spectacle poétique bizarre pour infiltrer la scène musicale et familiale. C'est facile pour nous : on profite d'une entente de qualité et de références communes dans la vie réelle. Le plaisir venant naturellement de cette rencontre, on espère réussir à la communiquer au public !

 

Justin : Depuis ma plus tendre enfance (hé oui, je suis le petit dernier !), j’ai été à la fois dorloté et gentiment martyrisé par mes sœurs aînées, pour leur plus grand plaisir (et le mien) !!! Forcément, ça a créé une complicité du tonnerre ! On joue ensemble depuis pas mal d’années avec Alice, et notre complicité musicale est bien entendu évidente ! Et, bien que jusqu’ici spectatrice de nos aventures musicales, Axelle aussi se sentait déjà complice avant de s’intégrer au présent projet. L’évidence, donc...

 

Alice : Les esprits chagrins pourraient penser que, dans un but machiavélique et en y travaillant dès ma plus tendre enfance, j’ai exhorté Axelle à me suivre – presque - toujours de son plein gré, allant des chorégraphies sur les musiques de Nino Rota aux déguisements loufoques, jusqu’aux spectacles de danse baroque, et réussi à détourner Justin de ses jeux innocents, le conduisant subtilement à abandonner ses lego pour les cordes en boyaux, les tablatures et les méthodes de basse-continue… Ils ont, cependant, l’esprit bien trop vif, la mémoire bien trop grande et le cœur bien trop généreux pour servir les sombres desseins d’une vile et despotique aînée !!! Mais je profite simplement du plaisir de nous retrouver tous les trois, attentifs et ouverts à toutes les idées, qui fusent à la vitesse du son, et j’ai hâte de savoir ce que pensera le public de notre création complètement « Glaie » !

 

 

Quel bel enthousiasme : vous nous avez mis l’eau à la bouche et, nous aussi sommes impatients de découvrir cette « Glaie-aventure »… Avec une telle complicité, aucun doute que l’alchimie sera au rendez-vous ! J’ai très envie de vous demander ce que chacun pense de l’autre… (Promis, cela restera entre nous !!!)

 

Axelle : En ce qui concerne mes sœurs, je n'en ai qu'une, mais c'est la meilleure. Quant au frère, c'est le meilleur aussi, mais de frère, et l'unique également. Finalement, le mieux est de lire leurs réponses, je crois.

 

Alice : En ce qui concerne notre frère, je n'en ai qu'un, mais c'est le meilleur. Quant à ma sœur, c'est la meilleure aussi, mais de sœur, et l'unique également. Je crois que le mieux est de lire leurs réponses, finalement.

 

Justin : Joker !

 

 

Eh bien, la cohésion semble totale et sans faille !!! En tout cas, une chose est sûre, « la Fée Humour » s’est longuement penchée sur chacun des trois berceaux de la famille ! Il me tarde déjà de faire connaissance de ces trois « Glaie-lurons » et de partager cette alléchante aventure poético-musicale au milieu des grands arbres !

Justin Glaie