Editorial 2022

RÉJOUISSANCE(S)

« Quels spectacles charmants, quels plaisirs goûtons-nous !

Les Dieux mêmes, les Dieux, n’en ont point de plus doux. »

Molière, Le bourgeois gentilhomme, 1671.

 

Quelle plus belle occasion qu’un festival pour se réjouir tous ensemble ? Les habitants du XVIIe siècle auraient sans nul doute préféré le terme de « réjouissances » à celui de « festivités » que nous employons aujourd’hui. Bien des occasions sont prétexte à organiser des réjouissances : une victoire, un mariage, un anniversaire royal, une cérémonie civile ou encore une solennité religieuse. Tous ces évènements entraînent l’exultation populaire par la magnificence des spectacles et des divertissements qui y sont proposés.

 

En conviant le spectateur à s’abîmer dans un univers saturé de couleurs, de matières, de formes ou de sons, les organisateurs visent à altérer les sens du spectateur, pour provoquer en lui l’admiration, le ravissement, l’étonnement, le contentement, la joie aussi bien que la peur ou l’effroi. Mais au-delà de leur rôle divertissant, de telles réjouissances visent souvent un tout autre dessein : elles incitent l’esprit des spectateurs à la contemplation des choses les plus hautes qui sont cachées dans ces expériences sensibles, éveillant leur conscience politique, leur dévotion ou leur piété.

 

Cette joyeuse 16e édition du festival souhaite plus que jamais faire découvrir les infinies variétés et ingéniosités des fêtes et spectacles baroques. En les vivant, en les observant ou en les décortiquant, le public se familiarisera avec la « grammaire sensible » de l’esthétique baroque. Pour cela, nous proposons quatre itinéraires thématiques :

 

Itinéraire #1 | LE CORPS EN JOIE

 

Dans la fête baroque, le corps est en joie et les sens sont en émoi ! La vue, l’ouïe, le toucher, le goût et l’odeur sont ainsi mis à contribution à chaque instant. Le corps est au cœur des spectacles et des divertissements qui usent de nombreuses disciplines physiques : danse, acrobaties, chasse, escrime, promenades, cortèges, processions.… Mais les plaisirs visuels et auditifs ont indéniablement la primauté dans ces voluptueuses distractions. Si on ajoute à tout cela les délices de la gastronomie et des festins :  Carpe Diem !

 

Itinéraire #2 | L’ÂME EN FÊTE

 

Le spectacle fait vivre au spectateur une ébullition sensorielle qui le conduit « hors de soy », de l’espace public de la fête à l’espace privé, plus intime, de l’émotion. Dans l’expérience festive, tous les sens sont sollicités et nos sensations multiples permettent de traverser la matière et de nous mener au seuil de la merveille et du miracle : nous goûtons aux réjouissances intellectuelles de l’Esprit et aux réjouissances spirituelles de l’Âme. Avec cet itinéraire, pas de vague à l’âme !

 

Itinéraire #3 | LES ARTS DU SPECTACLE

 

Les arts et les artisans du spectacle aux XVIIe et XVIIIe siècles mobilisent une diversité d’acteurs et une multiplicité d’actions où art et technique contribuent à mettre en scène société, religion, science et politique. Les corps, les esprits et les âmes sont immergés dans le « spectaculaire » grâce à d’incroyables dispositifs scéniques mêlant une multitude d’objets, d’images, de textes, mais aussi de sons, de lumières et d’odeurs. Avec cet itinéraire, portons notre regard sur la fabrique du spectaculaire : faisons connaissance avec ses acteurs et ses métiers, avec ses formes innovantes et inventives (concert, théâtre, divertissement, tragédie, comédie, comédie-ballet, opéra, ballet, bal, mascarade, cortège, carrousel, réjouissances…) et découvrons les coulisses du spectacle (décors, costumes…).

 

Itinéraire #4 | FÉÉRIES ÉPHÉMÈRES

 

L’éphémère et le fugace contribuent à leur manière à l’art de l’enchantement et du divertissement. Comment ne pas penser aux grands feux d’artifices qui ponctuent l’histoire de Versailles, et dont les gerbes et les lumières étincelantes deviennent des architectures de feu pour des moments de pure féérie. Les décors éphémères sont également nombreux à l’époque : cadres naturels aménagés pour les divertissements en plein air, arcs de triomphe peints pour les joyeuses entrées, chars pour les cortèges solennels… L’éphémère concourt à la fabrique du merveilleux, suscite l’étonnement et force l’admiration. La musique n’est-elle pas elle-aussi l’art éphémère par essence ? Partons à la découverte des petites fééries qui font les grandes réjouissances !

 

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Le festival 2022 souhaite ainsi évoquer l’ambiance des « Réjouissances » et entrainer le public au cœur de la fête ! Les spectateurs pourront ressentir ce que les hommes et femmes des XVIIe et XVIIIe siècles vivaient, voyaient, entendaient ou pratiquaient – de la détente physique au bal, des plaisirs visuels et auditifs de la scène, de l’inquiétude au jeu, au bonheur des illuminations nocturnes. Après une année complexe faite d’incertitudes et de mesures sanitaires, réjouissons-nous ensemble !

 

« Et dans les doux torrents d'une allégresse entière

Tu verras s'abîmer tes maux les plus amers. »

Prologue de La toison d'or, Pierre Corneille (1606-1684)

 

Yannick LEMAIRE

Directeur artistique et toute l'équipe

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