[L’entretien des muses] Ensemble Pizzicar Galante

Interview d'Anna Schivazappa et de son ensemble Pizzicar Galante

Pour inaugurer notre nouvelle rubrique « L’Entretien des Muses », nous avons demandé à Anna Schivazappa présente au Festival « Embaroquement Immédiat » le 17 avril à Mons de bien vouloir nous présenter son jeune ensemble et son instrument qui respire le soleil: “la mandoline”.

 

 

« Pizzicar Galante » voilà un nom qui sonne l’Italie et le soleil ! Pouvez-vous nous éclairer sur le nom de votre ensemble ?

 

Avec grand plaisir ! Le nom de l’ensemble provient de l’italien « Pizzicare », qui évoque le son transparent et scintillant des cordes pincées, et « Galante », qui rappelle la musique de style galant, notre répertoire d’élection étant la musique italienne du XVIIIe siècle pour mandoline et basse continue.

 

 

Et dans quelles circonstances s’est-il s’est-il formé ? Est-il figé ou évolutif ?

 

L’ensemble est né à Paris en octobre 2012. Je venais d’arriver en France pour terminer mes études de musicologie à la Sorbonne et je rêvais depuis toujours de travailler le répertoire baroque en duo avec un claveciniste. Comme une sorte de bouteille à la mer, j’ai publié une annonce à tout hasard sans m’adresser à quelqu’un en particulier. J’ai eu la chance de rencontrer Fabio et nous avons ainsi commencé à travailler ensemble. Ronald et Daniel, avec qui nous avons le plaisir de collaborer, nous ont rejoints peu après.

 

 

Ensemble figé ou à géométrie variable ?

 

Notre ensemble étant à géométrie variable, nous avons également des projets avec d’autres musiciens : la prochaine saison verra notamment la création d’un nouveau programme autour de la musique vénitienne pour mandoline et violon à l’époque de Vivaldi.

 

 

La Mandoline, instrument phare de votre ensemble, est-elle exclusivement italienne ?

 

Les origines de mandoline sont en effet italiennes, mais l’instrument a beaucoup voyagé déjà peu après sa naissance, au cours du XVIIIe siècle. Le programme qu’on va proposer à Mons le 17 avril prochain, intitulé « Splendeurs de la mandoline baroque », voudrait justement emmener le public dans un voyage musical dans le temps à travers les capitales européennes du XVIIIe siècle, en suivant les pérégrinations de la mandoline, un instrument qui a connu un succès certain grâce à des interprètes italiens virtuoses, dans toutes les villes d’Europe : à Paris, à Vienne, à Londres, et jusqu’à Saint Petersburg en Russie.

 

 

Je suppose qu’il existe, comme pour les autres instruments, différentes sortes de mandolines ?

 

Difficile de répondre à cette question en seulement quelques lignes ! Il existe en effet plusieurs types de mandolines qui ont coexisté au cours de la période baroque et classique. Chacun de ces instruments possède un répertoire à part, des caractéristiques organologiques propres, et tire son nom d’une région ou une ville différente d’Italie : à titre d’exemple, nous pouvons citer la mandoline napolitaine, la mandoline lombarde, vénitienne, milanaise, bresciane ou crémonaise, gênoise… ce que je trouve intéressant c’est que toutes ces mandolines ont un timbre, une couleur tout à fait particulière et propre seulement à elles-mêmes, qu’on ne pourrait jamais obtenir avec un instrument moderne. Dans le concert du 17 avril, par exemple, je vais jouer sur trois instruments différents : une mandoline napolitaine de 1768 signée par Antonius Vinaccia (l’un des plus importants luthiers napolitains de l’époque), une mandoline lombarde d’après un instrument d’Antonio Monzino de 1792 et une copie de mandoline napolitaine qui a été récemment construite par le luthier milanais Tiziano Rizzi, sur la base des traités historiques.

 

 

Et vous, Anna, comment êtes-vous venue à la Mandoline ? Comment est né votre amour pour l’instrument ?

 

J’ai toujours été attirée par la musique. J’ai débuté la guitare à l’âge de 7 ans à l’école de musique et puis au conservatoire de Padoue, ma ville natale. Un jour, mon père m’a offert un CD des concertos pour mandoline de Vivaldi joués par les Solisti Veneti en disant : « ferme les yeux et écoute ». J’avais 13 ans et j’ai ressenti un véritable coup de foudre pour cet instrument. J’ai été séduite par son timbre tout particulier, doux et solaire, mais à la fois piquant et malicieux, la précision et la netteté des attaques, la possibilité de jouer des pièces virtuoses et par son répertoire baroque, que j’aime particulièrement.

 

 

Vous avez inscrit Scarlatti, Vivaldi à votre programme de concert mais aussi Valentini : un grand compositeur tombé dans l’oubli ?

 

Compositeur actif à Rome à l’époque de Corelli, Valentini n’était en fait ni romain ni italien, mais... anglais. C’est une histoire fascinante que celle du jeune Robert Valentine (c. 1674-1747), issu d’une famille appelée à dominer la vie musicale de Leicester au siècle de Lumières, qui vers l’âge de vingt ans décide de quitter la province anglaise et s’établit à Rome quand la ville était au sommet de sa splendeur. Il se fait un nom, travaille notamment avec Händel et Corelli, connaît le succès et y mourra sans jamais retourner dans son pays natal. Même s’il figure parmi les compositeurs pour flûte à bec les plus prolifiques, son œuvre ne reçoit pas encore toute l’attention qu’elle mériterait. C’est la raison pour laquelle nous avons décidé de consacrer notre premier CD à l’intégral des sonates pour mandoline de Valentini qui n’avait jamais été enregistré auparavant.

 

 

Dans la biographie de votre ensemble vous parlez "des canons de l’interprétation historiquement inspirés" ! Qu’est-ce que cela signifie, Quelle est votre démarche musicale ?

 

Il est de fondamentale importance que la quête d’authenticité en musique s’appuie sur des faits vérifiables et des évidences historiques. Une approche de type « historiquement inspiré », comme celle que nous adoptons vis-à-vis de la musique baroque pour mandoline et basse continue, ne se réduit pas seulement à l’utilisation d’instruments anciens ou de copies fidèles, mais inclut aussi la connaissance des traités et des différents aspects liés à la pratique musicale de l’époque. Il est également essentiel de se réapproprier de la capacité - couramment répandue à l’époque baroque - d’être à la fois instrumentistes et compositeurs. Comme la notation ancienne était de type descriptif, elle fournissait un simple point de départ à partir duquel les musiciens improvisaient une bonne partie de leur interprétation. C’est aussi dans l’art de l’ornementation qui transparaît la connaissance du style de l’époque et la qualité de l’interprétation, que ça soit dans la ligne mélodique ou dans la réalisation de la basse continue. Une autre partie importante de notre travail est dédiée à la recherche et à la valorisation de répertoires méconnus. C’est justement dans cet esprit que nous allons réaliser, en octobre prochain, un enregistrement de pièces inédites qui sont conservées au Département de la Musique de la Bibliothèque nationale de France. L’enregistrement, qui sera soutenu par la BnF, se déroulera dans le cadre d’un projet de plus ample envergure qui prévoit aussi un concert et des publications scientifiques.

Néanmoins, nous ne dédaignons pas d’autres répertoires plus connus : c’est par exemple le cas de notre prochain CD qui sortira en septembre et qui sera dédié aux sonates pour mandoline de Domenico Scarlatti.

 

 

Connaissez-vous notre Festival, et notre région, y êtes-vous déjà venue ?

 

Ce sera la première fois pour moi dans votre région, et je me réjouis d’avance !

 

Entretien réalisé par Michel Fielbal

Ensemble Pizzicar Galante