[La Petite Chronique du Festival] Robin Pharo et Près de votre oreille
Dans mon souvenir, la viole de gambe demeurait en retrait, discrète, belle fidèle à ses compagnons plus loquaces : ce soir, j’ai découvert un instrument que je croyais connaître ! En cette fin d’après-midi, le temps d’un concert, elle s’est enfin décidée à occuper « l’ambon musical » de l’église de Maing, et à faire entendre sa voix à travers celle d’un génie « anonyme » du 18è siècle, Charles Dollé !
Mais… chuuuut… elle s’est approchée avec ses comparses pour chuchoter « près de notre oreille » ses plus beaux airs : préludes, allemandes, rondeaux, fantaisie, tambourin… La volupté du son de Robin Pharo m’envahit peu à peu pour ne plus me quitter, je reste souvent hypnotisé par le va et vient de l’archet sur les cordes. J’assiste, profondément ému, à une double « naissance à mes oreilles », celle d’un instrument qui me dévoile l’intimité de sa voix et celle d’un « honnête homme de la musique » injustement tombé dans l’oubli.
Le violiste Robin est le tronc d’un vénérable Chêne profondément enraciné dans le sol, le théorbe de Simon, l’orgue de Loris, le clavecin de Ronan et la viole de Julie sa belle ramure : l’arbre Dollé déploie sa radieuse frondaison sous nos yeux ébahis ! Je garderai longtemps en mémoire le port de certaines de ses branches : La Tendre Engagement tout en délicatesse, la frémissante musette La Favorite, la sémillante La Badine, la tonifiante Carillon, la rondeau Le Turpaux infiniment humaine… la fugue, superbe et étonnante, que je croyais à tort d’essence définitivement allemande, ou pour finir la très émouvante Tombeau pour Marais le Père.
« Mais il en va d’une œuvre comme d’un arbre :
plus les racines s’enfoncent dans la nuit dense de la terre,
plus grand est le morceau de ciel que la ramure peut embrasser. »
(Michel Tournier, Petites Proses)
À la mi-concert, Robin prit la parole pour nous partager son amour de l’instrument avec toute la fraîcheur de sa jeunesse et remercier une fois encore Charles Dollé, l’Anonyme Parisien, de nous avoir fait don d’une si belle musique !
S’ils voulaient être ce soir « près de notre oreille », les jeunes et émouvants musiciens se sont-ils rendu compte qu’ils ont joué aussi « près de notre cœur » ? En tout cas, jamais auparavant dans mon souvenir, je ne me suis senti aussi « près de la musique ».
« Tous les matins du monde sont sans retour », tous les concerts aussi !
Mais, heureusement, les Muses bienveillantes nous ont laissé leur antidote : « Le Souvenir » !
Texte Michel Fielbal / Photos Francis Delaby